Les fondements de la crise que traverse la Côte d’Ivoire depuis la mort de Félix Houphouët Boigny, en décembre 1993, reposent sur deux visions, deux conceptions de ce que la Côte d’Ivoire doit être : un pays vassal ou bien un pays indépendant, libre et souverain. Laurent GBAGBO et Dramane Ouattara incarnent ces deux visions.
Il n’avait pas tort, le journaliste camerounais qui a écrit, récemment, que «l’avenir de la démocratie en Afrique se joue en Côte d’Ivoire ». Cette affirmation d’une grande lucidité s’appuie sur des éléments totalement irréfutables qui sont autant de clefs que nous livrons aux internautes du monde entier afin qu’ils comprennent mieux ce qui se joue en Côte d’Ivoire.
De nombreuses personnes l’ignorent, la grave crise post-électorale dans laquelle ce pays est plongé, a des origines lointaines. La première manifestation visible et connue de tous s’est produite le 7 décembre 1993, date officielle de la mort de Félix Houphouët Boigny, premier président de la Côte d’Ivoire. Ainsi, et il faut le savoir, ce qui se passe après le second tour, le 28 novembre 2010, de l’élection présidentielle de Côte d’Ivoire, n’est rien d’autre que le point culminant de cette opposition de deux visions, deux styles, deux conceptions de la marche de ce pays.
Que font Gbagbo et Ouattara lorsque Houphouët décède ?
Ouattara : il exerce alors les fonctions de premier ministre. Il s’oppose à l’application de cette disposition constitutionnelle. Il veut empêcher Henri Konan Bédié de devenir effectivement président de la République. Puisqu’il n’est pas très courageux pour assumer ses actes, il envoie son homme de main pour la circonstance, le ministre de la communication, Auguste Sévérin Miremont lire la déclaration qui vise à empêcher Bédié de se prévaloir automatiquement de cette disposition de l’article 11. La tension est vive.
Gbagbo : il est le leader incontesté de l’opposition. L’homme a toujours lutté pour la transition pacifique à la démocratie. Il a dit clairement qu’il n’est pas d’accord avec l’article 11 de la Constitution qui instaure un mode de succession monarchique à la tête de l’Etat. Mais, respectueux de la Loi, de la Constitution, il prononce une phrase restée célèbre dans la mémoire collective des Ivoiriens : « le président Houphouët est mort. C’est une lourde perte pour notre pays. On ne se bat pas au chevet d’une mère malade. Taisons toutes nos ambitions et unissons-nous pour enterrer dignement notre premier président ». Cette phrase a le don de décrisper l’atmosphère rendue délétère par cette première tentative de putsch de Ouattara.
Gbagbo et Ouattara dans leur démarche pour la conquête du pouvoir.
Gbagbo : L’homme a toujours été pour la transition pacifique à la démocratie. Il a lutté pour que le multipartisme soit d’abord une réalité en Côte d’Ivoire. Ensuite, il a engagé le combat de la démocratie, à partir de la « rupture du consensus national » comme rappelé plus haut. Laurent Gbagbo, a toujours agi en homme politique averti. Après s’être doté de l’instrument politique, le FPI, forgé dans la clandestinité (contexte d’alors oblige), l’homme a entrepris d’aller connaître son pays. Pour lui, quand on veut gouverner un pays, il faut le connaître en le parcourant et se faire connaître de toutes les composantes de la population.
C’est ainsi que M Gbagbo a entrepris de nombreuses tournées à travers le pays. Sur les 11000 sites habités (villes, villages) qui constituent la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo en a visité effectivement 9000. Dix ans de travail inlassable, à l’époque où les partis politiques n’étaient point financés. C’est cette parfaite connaissance de la Côte d’Ivoire qui explique son assise populaire profonde. Par ailleurs, il connaît de mémoire les localités, les chemins qui y conduisent et les problèmes qu’il y a rencontrés ou qui lui ont été exposés. Laurent Gbagbo a toujours exclu de son combat, la conquête du pouvoir d’Etat par les armes ou par les coups d’Etat. D’où le slogan de la transition pacifique à la démocratie ou par exemple la phrase devenue célèbre : « asseyons-nous et discutons. » Pour M Gbagbo, tout doit se régler dans le dialogue, dans la négociation. S’agissant des lois qui peuvent être mises en œuvre par un pouvoir pour faire barrage à l’opposition, il a toujours affirmé : « Dans tous les pays du monde qui ne sont pas des démocraties, l’opposition gagne toujours les élections avec les lois du parti au pouvoir. Puisque les dirigeants ne voteront jamais des lois qui permettent aux opposants d’accéder facilement au pouvoir. Et une fois qu’elle accède au pouvoir, l’opposition peut changer les lois qu’elle dénonce par les voies légales en vigueur. »
L’homme a toujours exclu les propos qui jouent sur l’appartenance ethnique, sur la religion ou la région de ses discours. Enfin, Laurent Gbagbo estime qu’un homme politique, qu’un parti politique qui veut accéder au pouvoir, doit dire ce qu’il veut faire, dans quel cadre il va le faire. C’est pour cela que l’homme et le FPI qui le porte ont toujours mis en avant leur Projet de société et leur Programme de gouvernement. Le PDCI encore moins le RDR n’en possédait. De fait ils n’y avaient jamais réfléchi. Le FPI les y a obligés. Laurent Gbagbo a toujours pensé qu’on n’a de légitimité que quand on est l’élu du peuple. C’est pour cela qu’il a toujours été élu député de sa circonscription avant d’accéder à la magistrature suprême.
Lorsqu’il décide de s’engager en politique, Laurent Gbagbo mise sur tous les fils de la Côte d’Ivoire qui veulent vivre dans un pays démocratique. Ce qui explique que son électorat transcende les régions, les ethnies. Il travaille avec les ressortissants de toutes les régions. Cela lui vaut la belle carte électorale qui s’étale de l’Ouest au nord-ouest et embrasse tout la partie sud de la Côte d’Ivoire. Cela a été révélé à la face du Monde lorsqu’il est arrivé en tête du scrutin devant 14 candidats, lors du premier tour.
Démocrate convaincu, Laurent Gbagbo a toujours refusé la violence. Quand il était dans l’opposition, il a toujours privilégié dans sa démarche la discussion avec les autorités. Devant des blocages qu’il ne pouvait marginaliser ou laisser tomber, il avait recours à la rue. Dans le calme, dans la discipline. Jamais, jamais en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo et son parti n’ont cassé une ampoule dans la rue. Or tous les Ivoiriens et les observateurs ont en mémoire que M Gbagbo et ses partisans organisaient de véritables marches gigantesques.
Gbagbo est surtout un homme politique courageux. Selon lui, le courageux n’est pas celui qui n’a pas peur, celui qui ne connaît pas la peur. Mais bien celui qui sait surmonter la peur surtout lorsqu’il doit assumer ses responsabilités. L’illustration la plus éclatante restera les conditions de son retour en Côte d’Ivoire, à l’éclatement de la crise qui s’est muée en rébellion. Laquelle dure depuis 2002.
En effet, le chef de l’Etat Laurent Gbagbo était en visite officielle en Italie quand la guerre a éclaté. Alors que Jacques Chirac lui proposait de venir attendre à Paris, que les choses se clament, et le piège était grossier, M Gbagbo a pris son avion et est rentré en Côte d’Ivoire. Pour terminer, il faut signaler que Laurent Gbagbo est un adepte de la liberté d’opinion, de la liberté d’expression. Il est le premier homme politique ivoirien et même africain à avoir supprimé les peines d’emprisonnement contre les journalistes. La presse d’opposition en Côte d’Ivoire ne peut pas dire le contraire elle qui se permet de rester en zone gouvernementale pour défendre, soutenir et faire la propagande de la rébellion.
Ouattara : Il ne connaît pas la Côte d’Ivoire. Ouattara ne peut pas dire, de mémoire, où telle ou telle localité du pays profond est située. Il serait bien incapable de citer, quelques noms de villes moyennes ou de villages par département, par région. Il est resté un phénomène politique urbain, qui fait des sauts de puces, par intermittence, dans quelques capitales régionales. Il n’a pas la patience de se battre sur le terrain politique, de remporter à la régulière des élections. Il compte sur sa machine de propagande pour accéder au pouvoir d’Etat. Il n’a jamais été intéressé par le « petit » poste de député.
De nombreux soutiens à M Ouattara ne l’ont jamais vu, ne le connaissent pas. Normal puisque l’homme ne va pas à eux. Pour se faire une place sous le soleil politique ivoirien, Dramane Ouattara n’a pas eu le courage de fonder, lui-même, un parti politique, lorsqu’il a échoué en 1993. Il s’est retiré de la vie publique en Côte d’Ivoire, s’en est retourné au FMI. Il fait partie de la vague qui, avec le Français Michel Camdessus, a été balayée des suites d’un scandale au niveau de la finance internationale.
Dramane Ouattara est devenu président du RDR à la mort du président fondateur de ce parti, feu Djény Kobinan. Très vite, il en a fait une machine essentiellement tribale. Il n’y a qu’à regarder les noms des responsables du RDR, à tous les échelons. Ses résultats, lors des récentes élections montrent bien cet ancrage régional. Mais il a voulu faire le forcing au second tour, en s’appuyant sur une fraude grossière et massive et sur l’électorat traditionnellement favorable au PDCI. Or le report des voix n’a pas été automatique et ne pouvait être à la hauteur de ce que son allié Bédié et lui ont souhaité. Il restera l’auteur de la tristement célèbre phrase : « On ne veut pas que je sois candidat à l’élection présidentielle parce que je suis musulman et originaire du nord du pays. »
Dramane Ouattara, le très peu courageux, n’a pas eu la force d’assumer ouvertement la rébellion. Or on le savait et on le voit plus clairement aujourd’hui, cette rébellion a été montée pour lui, par ses soutiens extérieurs. Elle n’a d’autre but que de lui permettre d’accéder au pouvoir coûte que coûte. Ce qui explique que les rebelles n’aient jamais désarmé. Et que Soro Guillaume n’ait jamais voulu désarmer les rebelles avant les élections. Or c’est le minimum que réclamaient toutes les résolutions pertinentes votées soit au Conseil de Sécurité de l’ONU soit celles adoptées dans le cadre de l’Accord politique de Ouagadougou.
Outre les armes, Dramane Ouattara est un adepte de la violence. Ses partisans ne le savent que trop bien. Eux qui sont prompts à tout casser, à tout brûler. Cela est encore visible. M Ouattara n’est pas du tout courageux, il est même très peureux. L’illustration parfaite en est que dès que le coup d’Etat a éclaté, il s’est « réfugié » à la résidence de l’ambassadeur d’Allemagne, en sautant la clôture, pour « échapper » à des assaillants imaginaires. Laurent Gbagbo étant revenu au pays et la situation n’ayant pas été renversée, il fallait envoyer des leurres pour masquer son implication. Peu de temps après, les évidences sur son implications se faisant de plus en plus jour, monsieur s’est fait exfiltrer par l’armée française. Ouattara ne supporte pas la contradiction. Lors de son passage comme premier ministre, la presse privée d’opposition a souffert de son inclination à museler la presse.
Leurs rapports à la Constitution, à l’indépendance et la souveraineté du pays.
Il faut le savoir, En Côte d'Ivoire la Constitution est la loi suprême, la loi fondamentale, celle qui a autorité sur tous les autres textes législatifs. Comme pour les citoyens de tous les pays, la Constitution est aux Ivoiriens, ce que la bible, le coran et la torah sont respectivement aux chrétiens, aux musulmans et aux juifs.
Le texte constitutionnel actuellement en vigueur en Côte d'Ivoire est la constitution du 1er août 2000, qui fonde la Deuxième République. Elle a été approuvée par le peuple lors du référendum selon une procédure démocratique (+ de 50% du corps électoral et 86% des suffrages exprimés) donne la réalité du pouvoir au président de la République.
Gbagbo : Il a fait campagne clairement, ouvertement, pour que les Ivoiriens votent cette nouvelle Constitution. Elle contient des avancées démocratiques considérables pour la société ivoirienne. Laurent Gbagbo, s’est toujours battu pour que la souveraineté, l’indépendance de la Côte d’Ivoire soit respectée. Il s’est toujours dressé contre l’adoption ou l’application de tous les textes qui pouvaient porter atteinte à l’indépendance, à la dignité ou à la souveraineté de la Côte d’Ivoire.
Dans sa démarche de chaque jour, il met un point d’honneur à respecter scrupuleusement les termes de son serment à l’égard de la Constitution. En effet ; devenu président, il a prêté serment en ces termes : « Devant le peuple souverain de Côte d'Ivoire, je jure solennellement et sur l'honneur de respecter et de défendre fidèlement la Constitution, de protéger les Droits et Libertés des citoyens, de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge dans l'intérêt supérieur de la Nation. Que le peuple me retire sa confiance et que je subisse la rigueur des lois, si je trahis mon serment »
Conscient que les pays n’ont pas d’amis mais des intérêts, Laurent Gbagbo, dans l’intérêt supérieur des Ivoiriens, pense que la Côte d’Ivoire doit diversifier sa coopération. Ce qu’elle ne peut obtenir avec les partenaires traditionnels, elle doit aller le chercher librement ailleurs. La diplomatie tous azimuts qu’il a déployée depuis son accession au pouvoir en est l’illustration parfaite.
Tout naturellement, M Gbagbo n’accepte pas les ingérences intempestives dans les affaires intérieures de la Côte d’Ivoire. C’est pour cette raison qu’il affirme qu’il ne trouve aucune justification ni d’antécédent au fait que dans un rare déchaînement de passion, on veuille pousser le bouchon jusqu’à faire intervenir des forces étrangères dans le règlement d’un contentieux post-électoral.
Ouattara : Du fait de ses origines non ivoiriennes, Alassane Ouattara a été poursuivi par M Bédié pour usurpation et fraude à la nationalité ivoirienne. La Constitution ivoirienne dont il a déjà annoncé clairement qu’il va la changer l’a écarté. Soucieux de ramener la paix dans son pays, M Gbagbo a dû user de l’article 48 de la Constitution afin que M Ouattara soit admis, à titre exceptionnel, à se présenter à l’élection présidentielle de 2010 qu’il refuse de reconnaître qu’il a perdue.
C’est pour cette raison, que déjà en 2000, au moment de la campagne référendaire pour le rejet et l’adoption de cette nouvelle loi fondamentale, Dramane Ouattara et ses partisans ont eu un discours ambigu. Pour ne pas être indexé par l’opinion, ils ont adopté un slogan qui décrit toute leur duplicité : disons oui, votons non.
Toute sa vie durant, Ouattara n’a jamais voulu respecter les lois en vigueur en Côte d’Ivoire. On l’a vu en 1993 avec Henri Konan Bédié. Il a été à la base du coup d’Etat qui a emporté M Bédié et c’est de justesse que le général Robert Guéi ne lui a pas permis de venir s’installer dans le fauteuil présidentiel. Il a lancé sa rébellion contre le régime Gbagbo après avoir lamentablement échoué dans la tentative de coup d’Etat.
M Ouattara, ses amis politiques dont la France ont toujours été pour ce que la Constitution ivoirienne soit mise de côté dans les recherches de solution à la crise. Ils l’ont maintes fois exprimé clairement et ont milité ouvertement pour que les résolutions du Conseil de sécurité aillent dans ce sens. En vain. La démarche de l’homme, depuis la fin de l’élection présidentielle illustre très bien qu’il a toujours été un hors la loi. Son comportement et ses déclarations après la proclamation du résultat définitif de l’élection présidentielle par le Conseil Constitutionnel le montrent bien éloquemment. Il n’a pas voulu attendre que le résultat définitif soit dit. A la suite de ses soutiens, France puis Etats-Unis, il s’accroche désespérément à des résultats qui n’ont, du reste, jamais été proclamés dans les délais constitutionnels par la commission électorale indépendante.
Dramane Ouattara, par voie de conséquence, est pour que les forces étrangères interviennent en Côte d’Ivoire. Pour l’installer au pouvoir. Ses rebelles et lui ont trouvé un allier sûr : la forces onusienne de maintien de la paix, l’ONUCI, devenue force partisane, partiale et qui livre la guerre aux Ivoiriens. Y compris par le piratage des ondes de la radiodiffusion nationale.
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